Entretien avec Martin Sauvageau : Au cœur de l’excellence en ARN thérapeutique

Entretien avec Martin Sauvageau : Au cœur de l’excellence en ARN thérapeutique

IRCM : donner vie à la médecine du futur


Depuis sa création il y a bientôt 60 ans, l’IRCM est un creuset riche de découvertes de pointe qui donnent vie aux thérapies les plus novatrices. Aujourd’hui, le travail de nos équipes sont plus que jamais axé sur la science de demain, au cœur de la médecine de précision et des technologies les plus novatrices. A travers des rencontres mensuelles au détour de nos labos, cette série vous en présente différents aspects.

Les collaborations entre laboratoires commencent souvent par une simple rencontre informelle autour d’un café. Nous n’avons besoin que de nous asseoir, partager nos idées, et de belles choses peuvent se produire.

 

En 2023, l’IRCM lançait son Pôle de recherche Sidney-Altman en ARN thérapeutique. Rapidement, cette avenue a pris son essor à l’Institut, catalysant les talents et mettant en collaboration plusieurs laboratoires. La marche vers la mise au point de thérapies nouvelles en médecine de précision y est vibrante et vivante.

Plusieurs laboratoires de l’Institut travaillent ainsi à déployer le potentiel thérapeutique des ARN. Le Dr Martin Sauvageau, qui dirige l’un d’eux, nous parle de sa passion pour ce pan de la recherche et des origines de sa vocation scientifique.

D’où vient votre passion pour la biologie? 
Je me souviens, étant enfant, avoir aimé consulter un ouvrage encyclopédique sur la nature, la paléontologie et la biologie. J’ai d’ailleurs encore ce livre chez moi. J’ai toujours eu une curiosité en ce qui a trait au fonctionnement du corps humain et à ses interactions avec son environnement. 

J’ai longtemps été attiré par les domaines de la biologie et de la santé. J’ai tout d’abord voulu étudier en médecine, mais le hasard m’a plutôt dirigé vers un programme de baccalauréat en microbiologie et immunologie à l’Université de Montréal. Dès la première année, j’ai tout de suite eu la piqûre pour ce domaine et je n’ai plus jamais regardé en arrière. 

Comment votre parcours vous a-t-il mené ici, à l’IRCM, à vous consacrer au domaine des ARN thérapeutiques ? 
Comme nombre d’étudiants, j’ai d’abord effectué un stage lors de ma deuxième année du baccalauréat au laboratoire de Pierre Chartrand, à l’Institut du cancer de Montréal, et j’ai adoré ça. J’ai ensuite continué mes études à l’unité de recherche du Dr Guy Sauvageau qui œuvrait à cette époque à l’IRCM. Le laboratoire a ensuite déménagé à l’IRIC où j’ai complété mon doctorat. À l’époque, j’étudiais les cellules souches hématopoïétiques et les leucémies, plus précisément leurs régulations au niveau épigénétique. 

Lorsqu’est venu le temps de choisir un laboratoire pour mon stage postdoctoral, je m’intéressais beaucoup aux longs ARN non-codants, qui venaient tout juste d’être découverts. J’ai donc postulé au laboratoire du Dr John Rinn, au Département de cellules souches au Broad Institute du Massachusetts Institute of technology (MIT) et de l’Université Harvard. Comme le rôle de ces ARN était alors peu connu, mis à part le fait qu’ils ne produisent pas de protéines, le Dr Rinn et moi-même souhaitions étudier les ARN non codants dans des modèles in vivo. Nous voulions prendre connaissance des problèmes et des défauts de développement qu’on pourrait y observer afin de découvrir s’ils avaient un impact sur la santé d’un organisme et le développement de maladies. Nous avons identifié plusieurs lncRNA importants pour le bon développement du cerveau, la fertilité, l’immunité, la survie, ainsi que le développement des poumons. Un de ces ARN non-codants qu’on a découvert s’est avéré être muté dans une maladie pulmonaire rare et létale affectant les nouveau-nés. Ces travaux ont montré, dans un contexte in vivo, que plusieurs lncRNA pouvaient avoir un impact important sur le développement et la santé. 

À la fin de mon postdoctorat, j’ai occupé le poste de Senior Research Associate au Beth Israel Deaconess Medical Center. À ce poste, j’ai travaillé sur des projets portant sur le rôle des longs ARN non-codants dans le cancer.

Les avancées dans le domaine des thérapies par ARN devenaient de plus en plus probantes. Avec un bon dossier de publications et plusieurs idées pour développer un programme de recherche, je sentais alors qu’il était temps de démarrer mon propre laboratoire. Ce ne fut pas une tâche facile. Je me suis retrouvé à devoir choisir entre un poste à Londres ou à l’IRCM. Plusieurs chercheurs et chercheuses de l’établissement, dont mes collègues Éric Lécuyer, Marlène Oeffinger, Nicole Francis et François Robert, abordaient des sujets très intéressants et motivants pour moi. De plus, la communauté dynamique en ARN de Montréal était réputée dans ce domaine. Le meilleur choix pour moi était de revenir au lieu où j’avais débuté. 

Comment décririez-vous la communauté ARN à Montréal ? En quoi se distingue-t-elle ?
Au Canada, nous avons une belle concentration de chercheurs et de chercheuses en ARN et c’est au Québec que nous en retrouvons le plus grand nombre. Le Québec a un long historique en recherche dans ce domaine avec plusieurs découvertes clés par des chercheurs et chercheuses de renoms. Cette grande variété de spécialisations permet d’avoir une belle profondeur d’expertise dans le domaine. De nombreux événements et rencontres sont organisés afin de pouvoir bien partager les connaissances acquises. 

Quelles sont, selon vous, les grandes qualités de l’IRCM qui lui permettent de se démarquer en recherche et comme milieu de recherche de pointe ?
J’apprécie beaucoup la flexibilité qui nous est offerte à l’IRCM. Nous pouvons développer les projets de manière rapide et efficace. Nous disposons, réunies sous un même toit, tous les parcs technologiques et les différentes expertises, ce qui favorise les échanges et le partage d’expériences connexes avec des collègues accessibles et dynamiques. Pour quelqu’un comme moi qui étudie une catégorie d’ARN encore peu connue, il est idéal de pouvoir compter sur l’expertise diversifiée de mes collègues, tant au niveau de la biologie des ARN qu’au niveau des différents types de maladies.

D’autre part, l’IRCM occupe une belle position dans l’écosystème scientifique montréalais, fort de ses liens avec les autres établissements de recherche, comme l’Université de Montréal et l’Université McGill. 

Sur quel aspect de l’ARN votre recherche se penche-t-elle spécifiquement ?
Mon laboratoire se concentre sur deux aspects. D’un côté, le laboratoire étudie le rôle de l’ARN dans divers processus cellulaires. Plus spécifiquement, nous travaillons à mieux comprendre le rôle des ARNs non-codants et leurs mécanismes d’action dans différents types de maladies comme le cancer ou certaines maladies rares. Il y a beaucoup de nouvelle biologie qui reste à découvrir pour ce type d’ARN.

Par ailleurs, depuis la pandémie, notre laboratoire se concentre de plus en plus sur les thérapies à base d’ARN. Je continue à faire de la recherche fondamentale, mais je consacre un peu plus de temps et d’énergie à l’aspect translationnel. Cela se fait beaucoup en mettant notre expertise à profit lors de collaboration avec les autres laboratoires. 

Comment s’effectue la collaboration avec les autres laboratoires en ce qui concerne les ARN thérapeutiques ?
Tout commence souvent par une simple rencontre informelle autour d’un café. Nous n’avons besoin que de nous asseoir, partager nos idées, et comprendre la biologie derrière la cible et la maladie à l’étude. Nous pourrons ensuite développer ou penser à la façon de pouvoir intervenir avec l’ARN. Tous les gènes passent nécessairement par un ARN, donc nous pouvons, en théorie, agir sur n’importe quel gène du génome. 

Je suis très enthousiaste face à ce qui m’entoure au sein de l’Institut et de voir l’établissement évoluer. Nous sommes, selon moi, sur une bonne lancée. Il y a plusieurs initiatives structurantes en ARN et en médecine de précision qui se passent autour de nous et l’IRCM a un beau rôle à jouer là-dedans. Je trouve cela encourageant et excitant. 
 

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