De gauche à droite : Hideto Takahashi et Benjamin Feller.
De nouveaux travaux du Dr Hideto Takahashi, directeur de l'Unité de recherche sur le développement et la plasticité des synapses à l'Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) et de son équipe, ont récemment mis au jour un nouveau mécanisme qui pourrait jouer un rôle important dans le développement des pathologies appelées synucléinopathies, comprenant la maladie de Parkinson et la démence à corps de Lewy, entre autres. Ces travaux, publiés dans la revue Cells, pourraient contribuer à ouvrir la voie à de nouvelles options thérapeutiques pour la maladie de Parkinson et d'autres maladies associées.
La maladie de Parkinson est une affection dégénérative incurable qui touche environ 10 millions de personnes dans le monde. Elle est associée à des symptômes moteurs tels que les tremblements, le blocage et la rigidité, ainsi qu'à des dysfonctionnements cognitifs qui aboutissent, à terme, à la démence. À l'instar de la maladie d'Alzheimer, qui touche 55 millions de personnes dans le monde, l'évolution de la maladie de Parkinson peut uniquement être ralentie avec les thérapies actuellement disponibles.
Les synucléinopathies partagent un mécanisme commun : une agrégation pathologique de la molécule alpha-synucléine qui devient toxique lorsqu'elle pénètre dans le neurone, et qui acquiert la capacité de se propager entre les neurones. Cette molécule est naturellement abondante dans les neurones du cerveau. Cependant, lorsqu'elle s'agrège de façon anormale, elle provoque de multiples dysfonctionnements qui altèrent le fonctionnement normal des neurones et conduit à une neurodégénérescence progressive par sa capacité de propagation.
Un processus pathologique qui soulève des questions
Depuis des années, la communauté scientifique étudie de nombreux aspects du phénomène, espérant apporter des réponses à des questions fondamentales : Qu'est-ce qui déclenche l'agrégation de l'alpha-synucléine, comment induit-elle à de multiples dysfonctionnements et comment se propage-t-elle dans le cerveau?
Dans le laboratoire de Takahashi, le doctorant Benjamin Feller s'est concentré sur le comment. Comment l'alpha-synucléine parvient-il à pénétrer dans le neurone? L'équipe a découvert qu'une protéine naturellement présente à la surface des neurones pourrait être en cause, ou du moins une partie spécifique de cette protéine. Appelée neurexine, cette protéine agit comme un récepteur. En permettant à la molécule d'alpha-synucléine de se lier aux neurones, elle pourrait être la porte par laquelle l'alpha-synucléine accède à l'intérieur des neurones, contribuant ainsi au développement de la maladie. L'alpha-synucléine est ensuite transmis d'un neurone à l'autre. Finalement, avec de moins en moins de neurones fonctionnels disponibles au fil du temps, la maladie évolue vers ses formes les plus débilitantes.
L'équipe a même pu identifier la partie de la neurexine responsable de la liaison des molécules d'alpha-synucléine. Ils ont également montré dans un modèle in vitro qu'en supprimant génétiquement la partie de la neurexine impliquée dans la liaison de la molécule, ils sont capables d'empêcher la liaison de l'alpha-synucléine d’avoir lieu à la surface des neurones.
Une découverte au large potentiel
Ce nouvel éclairage très prometteur sur le mécanisme sous-jacent par lequel la neurexine aide l'alpha-synucléine à accéder à la face interne du neurone est une bonne nouvelle et pas seulement pour les familles confrontées à la maladie de Parkinson. Des travaux récents du laboratoire de Takahashi montrent que la neurexine joue également un rôle important dans le développement et la progression de la maladie d'Alzheimer.
C'est très encourageant, car nous savons maintenant que si nous trouvons une solution pour fermer la "porte" de la neurexine ou la rendre inaccessible à l'alpha-synucléine, nous pourrions trouver un moyen de contrer à la fois la maladie de Parkinson et la maladie d'Alzheimer, a expliqué le Dr Takahashi.
La prochaine étape pour le laboratoire de Takahashi est d'étudier cette découverte dans un modèle préclinique que l'équipe est déjà en train de mettre au point.
Bien que nous soyons encore très loin d'une application chez l'humain, cette découverte ouvre définitivement la voie à de nouvelles recherches très prometteuses qui pourraient, à terme, déboucher sur des options thérapeutiques intéressantes, a conclu le doctorant Benjamin Feller.
Remerciements
Ce travail a été rendu possible grâce au soutien précieux de Parkinson Canada, des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Fonds de la recherche du Québec-Santé (FRQS), de l'initiative Healthy Brains Healthy Lives de l'Université McGill et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).