
Une équipe de l’IRCM identifie un mécanisme crucial de la réponse immunitaire
Dix ans de travaux substantiels de l’équipe de la Dre Nathalie Labrecque à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) et au Centre de recherche de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont jettent un nouvel éclairage sur les mécanismes qui régissent une réponse immunitaire efficace face aux infections. Le résultat de ces recherches est publié dans le prestigieux Journal of Experimental Medicine.
Si le rôle du système immunitaire et de ses lymphocytes dans la lutte contre les agents infectieux est chose établie dans la littérature scientifique depuis longtemps, plusieurs aspects cruciaux des mécanismes cellulaires et moléculaires qui déclenchent et régissent la réponse des lymphocytes T échappent encore à la compréhension des scientifiques.
L’équipe de la Dre Labrecque, en collaboration, entre autres, avec le Dr Ivan Maillard de l’Université de Pennsylvanie, coauteur sénior de l’étude, s’est intéressée aux évènements précoces de la réponse des cellules immunitaires appelées lymphocytes T CD8+. Dans ce travail de longue haleine, l’équipe et ses collaborateurs ont démontré que la voie de signalisation NOTCH, conservée dans l’évolution de tous les organismes multicellulaires, joue un rôle essentiel dans le processus de différenciation (programmation) nécessaire afin que les cellules T CD8+ deviennent compétentes pour contrôler l’infection. L’équipe a également montré que NOTCH agit, entre autres, en permettant l’action d’autres facteurs de transcription.
Le contexte
Il est connu que lorsqu’un lymphocyte T CD8+ naïf (sentinelle circulant dans le corps) reconnait un agent infectieux, il doit rapidement créer une armée composée de cellules combattantes qui seront en mesure de lutter contre l’infection. À la suite de l’infection, la majorité de ces cellules combattantes mourront, mais une proportion sera conservée pour garder en mémoire l’identité de l’agent agresseur, et ainsi, être en mesure de le reconnaitre en cas de réinfection : ce sont les cellules T mémoires. La création des cellules combattantes nécessite la mise en place d’une nouvelle programmation des cellules T CD8+, processus nommé différenciation. De précédents travaux de l’équipe avaient démontré que la voie de signalisation nommée NOTCH jouait un rôle central dans la différentiation, essentielle à une réponse immunitaire efficace des lymphocytes T CD8+.
La nouveauté
Dans la présente publication, l’équipe a démontré que durant la période de différenciation des lymphocytes T CD8+ qui dure environ 7 à 10 jours, le signal NOTCH est impliqué dès les premiers jours.
En observant la provenance du signal NOTCH, communiqué par le biais du ligand de NOTCH aux lymphocytes T CD8+, l’équipe a ainsi pu démontrer que la reconnaissance d’un agent infectieux par les lymphocytes T CD8+, dans les ganglions lymphatiques, les rend aptes à recevoir le signal NOTCH. À la surprise de l’équipe, ce sont des cellules structurelles appelées les fibroblastes réticulaires, qui, présentes dans les ganglions, auront la tâche essentielle de fournir le ligand du signal NOTCH, afin de déclencher la suite des évènements de différenciation du lymphocyte T CD8+.
C’est comme si les cellules dendritiques signalent la présence et l’identité de la menace, mais qu’en fait, ce sont les cellules fibroblastiques qui détiennent le code permettant la programmation des cellules combattantes, explique la doctorante et première auteure de l’étude, Laure Le Corre.
Enfin, l’activation de NOTCH, à la suite de l’interaction avec ses ligands, mène au clivage de Notch et à son entrée au noyau, où se trouve l’ADN. Là, il va se lier à l’ADN et en ouvrir une partie (chromatine) pour permettre la mise en œuvre d’autres facteurs de transcription qui induiront les changements requis (expression de gènes) pour la différenciation des lymphocytes T CD8+.
Il y avait certaines évidences que les fibroblastes, dans les ganglions lymphatiques, étaient impliqués dans la réponse des lymphocytes T CD8+, mais on en savait très peu sur le mécanisme sous-jacent, explique Dre Labrecque. Notre étude ajoute une pièce importante au casse-tête et fait vraiment avancer le domaine.
Les prochaines étapes
La présente étude s’est spécifiquement concentrée sur la réponse immunitaire impliquant la voie de signalisation NOTCH dans un contexte précoce d’infection. Ces nouveaux éclairages pourraient ouvrir la voie à de nouvelles observations de la collaboration entre la voie de signalisation NOTCH et les autres facteurs de transcription impliqués dans la réponse immunitaire précoce.
Par ailleurs, une autre étape sera de faire la lumière sur la manière dont ce processus prend place dans un contexte d’infection chronique ou de cancer, notamment pour mieux comprendre les phases plus avancées des mécanismes qui régissent la réponse immunitaire. Par exemple, une question intéressante serait de comprendre si, dans ces cas-là, le signal provient également de la niche fibroblastique.
Ces nouveaux éclairages pourraient ouvrir la voie vers des cibles thérapeutiques novatrices pour améliorer la réponse immunitaire, comprendre ce qui se passe à cet égard lorsque l’infection devient chronique, et aussi lorsque l’agression n’est pas d’origine externe, comme c’est le cas en cancer.
Remerciements
Cette étude a été rendue possible grâce aux Instituts de recherche en santé du Canada, le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (É-U) et le National Cancer Institute (É-U).