Une avancée importante dévoilée par des scientifiques montréalais
Des équipes de recherche de l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) et du CHU Sainte-Justine dévoilent une avancée porteuse qui contribuera à optimiser la recherche de solutions face au VIH.
Publiés aujourd’hui dans la revue Stem Cell Report, ces travaux résultant d’une collaboration entre le Dr Elie Haddad (MD / PhD.), clinicien chercheur au CHU Sainte-Justine et le Dr Éric Cohen (PhD), directeur de l'Unité de rétrovirologie humaine à l’IRCM, présentent un nouveau modèle préclinique performant et accessible qui facilitera le travail de recherche sur le VIH.
L’étude d’un virus comme le VIH exige de comprendre les modes de transmission propres au pathogène, son processus d’infection des cellules et ses modes de persistance malgré les réponses immunitaires de l’hôte et les traitements antirétroviraux hautement efficaces. C’est ce à quoi s’attèlent des scientifiques du monde entier pour contrer et traiter le VIH, et ce, depuis maintenant plusieurs décennies. Pour y arriver, les modèles existants pour effectuer des études in vivo en laboratoire impliquent l’utilisation de cellules souches humaines et de tissus fœtaux, notamment des thymus, afin de modéliser l’infection et la multiplication virale, la persistance du VIH en présence de traitement ainsi que les effets délétères du virus sur les fonctions du corps. Par ailleurs, il faut souligner que plusieurs de ces questions ne peuvent être entièrement étudiées dans des modèles in vitro et nécessitent des modèles in vivo qui reproduisent l’infection par le VIH et la maladie de la façon la plus proche possible de ce qui se passe chez l’humain.
Un modèle novateur
Le modèle préclinique novateur proposé dans cet article (nommé CCST, car développé à partir de sang de Cordon et de Thymus prélevé lors de chirurgies cardiaques) permet de recréer un environnement physiologique et immunitaire comparable à celui retrouvé chez l’humain sujet à l’infection au VIH. Ce nouveau modèle s’est révélé tout aussi performant que les modèles existants, et ce, sans recourir à l’utilisation de tissus fœtaux, comme c’était le cas jusqu’à présent.
Le modèle CCST recrée les conditions d’infections réelles ainsi qu’une solide réponse immunitaire, avec notamment la présence accrue de lymphocytes T et de leurs fonctions telles qu’habituellement observées en présence du VIH chez l’humain. Les scientifiques ont été à même d’y documenter la présence de formes silencieuses du VIH dans les cellules malgré l’absence de charge virale durant l’administration d’antirétroviraux. Ils y ont aussi constaté la résurgence virale après l’arrêt de traitement, ce qui suggère que des réservoirs de VIH demeurent latents dans l’organisme de ces modèles en laboratoire, comme cela a été observé chez les humains.
Cette approche est extrêmement intéressante, car elle est à la portée des équipes de recherche du monde entier, explique Dr Elie Haddad. Cela ouvre considérablement les possibilités de recherches, notamment pour débusquer les réservoirs du VIH, ce qui est impératif pour arriver à une guérison complète du VIH.
Si la disponibilité du matériel biologique nécessaire est un facteur important en faveur de l’approche CCST, d’autres éléments contribuent à l’enthousiasme qu’elle génère pour la recherche sur le VIH. Il se trouve qu’en plus d’être disponibles en quantité, et facilement récupérables dans le cadre de chirurgie, les échantillons biologiques requis sont également faciles à conserver en banques biologiques ou en cryoconservation jusqu’au moment de l’utilisation. Il s’agit ainsi d’une grande amélioration en termes d’accès, de faisabilité et de flexibilité pour ceux et celles qui étudient l’infection par le VIH et développent des interventions thérapeutiques.
Le VIH reste une importante menace pour les humains, car pour y survivre, il faut prendre des médicaments à vie, a déclaré Dr Eric Cohen. Voilà pourquoi nous devons continuer la recherche mondiale visant la guérison du VIH. Des avancées importantes et de nouveaux modèles d’études tels que celui que nous proposons constituent un pas important en ce sens.
Le VIH, une menace qui persiste
Jusqu’à la fin du siècle dernier, le spectre du VIH terrifiait le public, car il était synonyme d’une mort pénible et certaine. Puis l’arrivée salutaire des antirétroviraux a permis de rendre indétectable la charge virale chez les personnes vivant avec le VIH, leur redonnant accès à une vie relativement normale, sans transmettre la maladie.
Toutefois, l’efficacité de ces traitements dépend souvent d’un diagnostic précoce et leur interruption entraine un développement rapide de la maladie. De plus, pour plusieurs personnes à travers le monde, notamment celles vivant dans les pays en voies de développement, ces traitements restent plus ou moins accessibles. Enfin, bien que les traitements antirétroviraux actuels agissent efficacement contre la progression de l’infection et sa transmission, ces traitements ne sont pas curatifs.
Aujourd’hui, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fait état d’une érosion des progrès face au VIH. En 2019, l'Observatoire de la santé mondiale de l'OMS estimait que 38 millions de personnes au monde vivaient avec le VIH. Au Canada, en 2018, Santé Canada estimait que 62 050 personnes en moyenne au pays vivaient avec le VIH, et que 1 Canadien sur 8 ayant le VIH n’avait pas reçu de diagnostic et ignorait être malade. Ces constats mettent en évidence l’importance de ces travaux réalisés grâce à une fructueuse collaboration entre deux centres de recherche de premier plan.
Remerciements
Ces travaux ont été financés grâce à des octrois des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et du Consortium canadien de recherche sur la guérison du VIH (CanCure). Dr Haddad est aussi titulaire de la chaire de recherche en immunologie pédiatrique de la Banque de Montréal, Fondation CHU Sainte-Justine.