Des travaux éclairants nés à l’IRCM.
De gauche à droite : Mathieu Ferron, Julie Lacombe et Kevin Guo.
Dans ce qui constitue une avancée salutaire dans la compréhension des mécanismes qui sous-tendent le diabète, pathologie touchant 1 personne sur 11 dans le monde et qui demeure incurable, une équipe de recherche de l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) a pu identifier un nouveau rôle pour la vitamine K et la gamma-carboxylation dans les cellules bêta et leur rôle potentiellement protecteur face au diabète, réalisant au passage une première en quinze ans en recherche fondamentale. Le résultat de ces recherches est publié dans la revue Cell Reports.
La vitamine K est un micronutriment essentiel, connu pour son rôle dans la coagulation du sang, en particulier dans la gamma-carboxylation, une réaction enzymatique essentielle au processus. On soupçonne depuis plusieurs années que cette vitamine, et donc la gamma-carboxylation, pourrait avoir d’autres fonctions encore mal comprises. Plusieurs études suggèrent ainsi un lien entre un apport réduit en vitamine K et une augmentation du risque de diabète. Cependant, les mécanismes biologiques par lesquels la vitamine K protègerait du diabète restaient jusqu’à lors un mystère.
En profondeur
Dans ces travaux, l’équipe du Dr Mathieu Ferron a dans un premier temps pu déterminer que les enzymes impliqués dans la gamma-carboxylation et donc dans l’utilisation de la vitamine K étaient présents en grandes quantités dans les cellules bêta pancréatiques, celles-là mêmes qui produisent la précieuse insuline maitresse du contrôle des niveaux de sucre dans le sang. Le Dr Ferron est également professeur associé de recherche au département de médecine (accréditation en biologie moléculaire et en biochimie et médecine moléculaire) de l'Université de Montréal.
On sait que le diabète est causé par une réduction dans le nombre des cellules bêta ou par leur incapacité à produire assez d’insuline, d’où notre vif intérêt face à ce constat novateur. Afin d’élucider le mécanisme cellulaire par lequel la vitamine K maintient le bon fonctionnement des cellules bêta, il était essentiel de déterminer quelle protéine était ciblée par la gamma-carboxylation dans ces cellules, souligne le Dr Mathieu Ferron, une sommité dans le monde de la recherche en biologie moléculaire.
Nous avons ainsi pu identifier une nouvelle protéine gamma-carboxylée appelée ERGP. Notre étude démontre que cette protéine joue un rôle important pour maintenir des niveaux physiologiques de calcium dans les cellules bêta afin de prévenir un dérèglement de la sécrétion d’insuline. Finalement, nous démontrons que la vitamine K par la gamma-carboxylation est essentielle pour que ERGP exerce son rôle, complète Dre Julie Lacombe, qui a réalisé ces travaux dans le laboratoire de Dr Ferron.
Pourquoi cela vous intéresse
Ces travaux expliquent, en partie au moins, comment la vitamine K contribue à prévenir le diabète, maladie qui pèse lourd sur nos sociétés modernes. A terme, cette découverte pourrait mener à de nouvelles applications thérapeutiques impliquant la vitamine K ou ERGP pour le diabète de type 2.
Plus fondamentalement, c’est la première fois en 15 ans qu’est identifiée une nouvelle protéine dépendante de la vitamine K, ouvrant un nouveau champ de recherche dans le domaine de la vitamine K.
Remerciements
Ces travaux ont été effectués dans le laboratoire de Dr Mathieu Ferron par la Dre Julie Lacombe (associée de recherche) et par Kevin Guo (étudiant au doctorat). Nous remercions plusieurs autres étudiants de l’équipe qui ont contribué à cette recherche: Jessica Bonneau, Sarah Muir, Sorraya Hezzaz et Florent Gioanni. Denis Faubert, responsable du plateau de spectrométrie de masse et de protéomique a aussi été impliqué. Finalement, Alexis Vivoli et son superviseur Dr Vincent Poitout du CR-CHUM ont collaboré à cette étude.
Merci aussi aux Instituts de recherches en santé du Canada, Diabetes Canada, Diabète Québec, Chaire de recherche du Canada, le CRSNG (bourse de Kevin Guo), l’IRCM, au réseau CMDO du FRQS et au NIH.