La COVID-19, dans ses multiples variants et sa capacité à déjouer les efforts pour l’enrayer, comporte encore aujourd’hui de grandes zones d’ombre pour la science qui nous empêchent de nous déclarer vainqueurs de la maladie, même si des vaccins existent dorénavant. Or, un pas important vers la compréhension du coronavirus vient d’être franchi: les équipes des Drs Nabil G. Seidah et d’Éric A. Cohen, rattachés tous deux à l’IRCM et à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, viennent de confirmer le pouvoir inhibiteur de deux petites molécules pour bloquer l’infection virale des cellules pulmonaires par le SRAS-CoV-2, le virus responsable de la COVID-19. Ces travaux sont publiés dans le prestigieux Journal of Virology.
Le comment et le pourquoi
L'entrée virale dans les cellules épithéliales pulmonaires nécessite le clivage (↓) de la glycoprotéine de surface virale Spike (spicule) du SRAS-CoV-2 aux sites S1/S2 (PRRAR↓) et S2' (KPSKR↓) pour exposer une séquence fusiogène permettant la fusion de la membrane de l'hôte avec le virus infectieux. L’équipe du Dr Seidah avait été la première à prédire que l'insertion de quatre résidus (PRRA) dans la séquence de Spike entraînerait un clivage typique de la proprotéine convertase de type furine dans la séquence S1/S2 de PRRAR↓.
Les travaux des Drs Seidah et Cohen ont permis de valider cette hypothèse et de démontrer sans équivoque que la furine clive les deux sites, favorisant ainsi l'infection virale. Ils ont aussi permis de démontrer qu'une autre enzyme, TMPRSS2, clive le récepteur ACE2 lié à la membrane et le libère, ce qui facilite l’entrée cellulaire du SRAS-CoV-2.
Constat: l'association de petites molécules inhibitrices puissantes de furine (composés BOS) et de TMPRSS2 (Camostat) a permis de bloquer à plus de 95% l'infection virale vivante des cellules pulmonaires.
Contribuer à la lutte contre la COVID-19
Le SRAS-CoV-2, l'agent étiologique de la COVID-19, est la cause à ce jour de plus de six millions de décès dans le monde et le compteur tourne toujours. Grâce aux travaux des équipes des Drs Seidah et Cohen, les scientifiques disposent d’une nouvelle approche antivirale puissante qui est en mesure de réduire efficacement la propagation virale chez les personnes infectées par le SRAS-CoV-2 ou de futurs coronavirus apparentés. Les experts s’accordent à dire que l’émergence d’autres coronavirus dans un avenir plus ou moins proche est probable. On a donc tout intérêt à renforcer l’arsenal thérapeutique pour mieux affronter de futures pandémies.
À propos de ces travaux
Les travaux des Drs Seidah et Cohen ont été soutenus en partie par des subventions du volet Fondation des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), la Chaire de recherche du Canada en protéolyse des précurseurs, une subvention de l'équipe CHAMPS 699 des IRSC et l'initiative COVID-19 du Réseau sida et maladies infectieuses. L’entreprise Boston Pharmaceutical a fourni les inhibiteurs de BOS et le Laboratoire de santé publique du Québec l'isolat infectieux LSPQ1 SARS-CoV-2.
Au sujet du Dr Nabil G. Seidah
Le Dr Nabil G. Seidah a marqué l’histoire scientifique récente par ses travaux sur le rôle des proprotéines convertases, dont la découverte de la proprotéine convertase PCSK9 et son action dans certaines maladies cardiovasculaires liées à un haut taux de cholestérol LDL (athérosclérose, maladies cardiaques et métaboliques). Le Dr Seidah est aussi directeur de l’Unité de recherche en biochimie neuroendocrinienne de l’IRCM, professeur-chercheur au Département de médecine de l’Université de Montréal et professeur associé au Département de médecine de l’Université McGill.
Au sujet du Dr Éric A. Cohen
Reconnu internationalement pour ses travaux sur le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), le Dr Cohen a rapidement mobilisé le savoir-faire et l’expertise de son laboratoire en virologie pour participer à l’effort mondial visant à prévenir et contenir le virus de la COVID-19. Le Dr Cohen est aussi directeur de l’Unité de recherche en rétrovirologie humaine de l’IRCM, professeur titulaire au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’Université de Montréal et chercheur principal au Consortium canadien de recherche sur la guérison du VIH.
Voici, schématiquement, le mécanisme permettant à l'association de deux molécules de bloquer 95 % de l'infection virale vivante des cellules pulmonaires. (travaux des Drs Seidah et Cohen, de l’IRCM). Crédits: Yves Dumont