Mathieu Ferron, directeur de l’Unité de recherche en physiologie moléculaire de l’RCM, professeur-chercheur agrégé à Université de Montréal (UdeM) et professeur adjoint à l’Université McGill, a récemment reçu le prestigieux prix Fuller Albright du American Society for Bone and Mineral Research (ASBMR) pour l’excellence de ses travaux de recherche.
Le prix Fuller Albright est décerné à un membre de l'ASBMR âgé de moins de 45 ans, en reconnaissance de réalisations scientifiques méritoires en recherche sur le squelette et les os.
Mathieu Ferron nous en parle :
Mathieu, vous êtes le second chercheur canadien et le premier de l’Université de Montréal à recevoir ce prestigieux prix. Quel effet cela vous fait-il?
D’abord j’ai été surpris, car l’ASBMR est une très grosse société comptant plus de 4000 membres et je ne m’attendais donc pas à être sélectionné! Ceci étant dit, je suis très fier d’être le deuxième Canadien et premier chercheur de l’UdeM à recevoir ce prix, d’autant plus que j’ai effectué mon doctorat en biologie moléculaire ici même à l’UdeM, au sein du laboratoire de Dr Jean Vacher, situé à l’IRCM.
Parlez-nous du parcours qui vous a mené jusqu’ici.
Durant mon doctorat, mon projet portait sur les ostéoclastes, des cellules spécialisées dans la destruction et le remplacement de l’os. C’est à ce moment que je suis « tombé en amour » avec les os, si on peut dire. Par la suite, je suis parti à New York pour faire un stage postdoctoral avec le Dr Gérard Karsenty qui était déjà à l’époque une sommité mondiale dans le domaine de l’os. C’est au sein de son équipe que j’ai eu la chance de participer à mes premiers travaux sur l’ostéocalcine. Je considère les Drs Vacher et Karsenty comme mes deux mentors scientifiques : ils m’ont tout appris ou presque, et je leur serai toujours reconnaissant d’avoir cru en mon potentiel!
Quels travaux de recherche sont à l’origine de cette reconnaissance?
Alors que je poursuivais mon stage postdoctoral dans l’équipe du Dr Gérard Karsenty, nous avons fait une découverte assez surprenante : nos résultats suggéraient que le squelette produit une hormone impliquée dans le contrôle du métabolisme du glucose. À l’époque, plusieurs étaient sceptiques à l’idée que l’os puisse être un organe endocrine. Mais nous avons persévéré dans nos travaux jusqu’à prouver que l’ostéocalcine était bel et bien une hormone contrôlant la production d’insuline par le pancréas. Mes travaux ont aussi porté sur le rôle que joue l’insuline dans l’os. De retour à Montréal, j’ai établi mon propre labo où j’ai continué d’étudier l’ostéocalcine avec mon équipe. Nous avons découvert plusieurs nouveaux mécanismes contrôlant sa production et son action, en plus de développer des méthodes pour mesurer sa concentration dans le sang chez l’humain. Nos travaux sur l’ostéocalcine ont ouvert un champ de recherche totalement nouveau, et de nombreux chercheurs de par le monde s’intéressent désormais à cette hormone et à son action. En quelques années, nos publications sur le sujet ont été citées plus de 1000 fois chacune, ce qui est révélateur de l’intérêt suscité par ces découvertes. Nos travaux ont amené des connaissances nouvelles qui nous éclairent davantage sur le métabolisme humain, et ouvrent la voie vers de nouvelles options thérapeutiques, notamment pour certaines conditions médicales telles que le diabète, la perte de mémoire ou la dépression, pour ne citer que celles-ci. Le potentiel est énorme!
Que représente une telle reconnaissance?
Comme le Dr Fuller Albright, dont ce prix honore la mémoire, je crois fermement en l’importance de la recherche autant clinique que fondamentale pour faire avancer la médecine moderne. J’aimerais aussi souligner l’importante contribution des autres membres de mon équipe sans qui nous n’aurions pas pu faire ces découvertes, et en particulier de Julie Lacombe et Omar Al Rifai, qui ont tous deux fait un travail formidable. Finalement, certains des travaux sur l’ostéocalcine ont été effectués en collaboration avec mes collègues de l’IRCM, Nabil Seidah et Rémi Rabasa-Lhoret. Ce type de reconnaissance vient nous rappeler que la bonne recherche nécessite souvent un village : des mentors formidables, des étudiants talentueux, de brillants collaborateurs et des professionnels qui travaillent dans l’ombre.
Quels conseils auriez-vous pour les jeunes chercheurs qui marchent dans vos pas?
Lorsque j’étais étudiant, je suis passé par quelques moments de découragement surtout quand mon projet ne semblait aller nulle part, ou quand je rencontrais des difficultés techniques. Mais j’ai vite compris que l’important en recherche c’est de persévérer, et de surtout, faire travailler sa matière grise. Il est vrai que pour faire une carrière en recherche, il faut être prêt à travailler fort et à passer au travers d’une longue formation. Mais, au bout du compte, pour quelqu’un qui est vraiment passionné par la science, cela en vaut vraiment la peine : il ou elle aura la chance unique de découvrir, d’observer et de comprendre des phénomènes que personne d’autre n’a jamais décrits. Un chercheur est en quelque sorte aux premières loges de la science, et au quotidien, c’est absolument passionnant!